Il y a très longtemps, j'ai trouvé aussi ceci sur la toile... c'est une copie en PDF d'un article dans une revue française. Je viens de me souvenir que je l'avais.
Naturisme comme une thérapie:
Tous non-conformes
Expérience ponctuelle ou art de vivre, le naturisme fait de plus en plus d’adeptes parmi les personnes en situation de handicap. Sans serviette ni maillot de bain, la nudité partagée induit une liberté jamais expérimentée par ailleurs. Corps et esprit s’allègent, tout comme le regard des autres qui ne blessent plus autant.
L'enfant est nu sur la plage, une immense plage le long de l'Océan Atlantique, bordée de dunes parsemées d'oyats et de pins aux parfums sauvages. De ses jambes, l’enfant n'a que les cuisses. C'est à l'aide de ses mains qu'il se déplace sur la plage, à la rencontre des vagues dans lesquelles il joue avec joie. Les autres baigneurs sourient de l’entendre rire. Sa maman commente : «C’est beau de le voir heureux ! Depuis que nous venons ici en vacances, dans le centre de naturisme Euronat, la nudité lui a permis d’intégrer son handicap. Elle le place à égalité avec chacun».Depuis quelques années, un grand nombre de parents et d’adultes handicapés se laisse tenter par l’expérience du naturisme. Tous s’accordent à dire que les sensations de liberté y sont intenses et inoubliables. Certes, se dévêtir pour la première fois, même dans un lieu où c’est la règle, suscite des sentiments contradictoires : plaisir vie pratique et envie se mêlent à la peur.
Plaisir de gagner en autonomie, d’éviter les contraintes de l’habillage et du déshabillage, envie de respirer à “pleine peau”, de libérer ce corps trop souvent caché et médicalisé. Mais les peurs s’imposent : peur de montrer un corps hors norme, difficultés à assumer le regard de l’autre. Et pourtant, contrairement à toute attente, les regards croisés dans les villages naturistes seraient moins blessants qu’ailleurs, n’exprimant ni gêne ni curiosité appuyée : « J'ai beaucoup plus souffert du regard des autres dans une piscine “textile” », confirme Mireille, 43 ans, amputée d’une jambe. Il y a encore quelques années, Mireille ne souhaitait même pas se mettre en maillot de bain à la piscine. Relevant le défi d’une amie qui l’invitait dans un village naturiste, elle s’est très vite sentie à l’aise et a enlevé sans hésitation sa serviette, dernier rempart avant la nudité. Après avoir longuement nagé, c’est dans la quiétude la plus totale qu’elle sort de l’eau et remet sa jambe artificielle : « Je ne me sens pas agressée par le regard des autres ! J'ai remarqué que les femmes, valides et handicapées, étaient les plus réticentes envers le naturisme, mais une fois le pas franchi, ce sont les plus enthousiastes. Elles disent ne pas se sentir “matées” comme ailleurs. Non pas parce que les gens ne nous regardent pas, mais parce que dans leur regard, il n'y a rien qui nous mette mal à l'aise».
Loin de nier ou d’ignorer les disgrâces et les beautés du corps infirmes, celles-ci entrent dans le champ des réalités, au même titre que toutes les autres, pour être mieux acceptées. Les “béquilles” vestimentaires tombent, mais ce sont également les marqueurs sociaux et les contraintes d’image qui succombent. Ces dernières sont bien souvent les plus grandes pourvoyeuses de complexes. Jean-Michel, quadragénaire, pratique le naturisme depuis son adolescence, quelques années après avoir contracté une poliomyélite qui l’oblige depuis à se déplacer en fauteuil : « Pratiquer le naturisme est un art de vivre : régler son rythme de vie sur les éléments naturels, accepter a vie en somme, la maladie, le temps qui passe, le corps transformé par le handicap, le tout dans la tolérance !».
La tolérance, voilà bien la question fondamentale que relève le naturisme. « Une personne handicapée dans un village naturiste permet à chacun, implicitement, de s’interroger sur les normes communes et les siennes propres, ses fantasmes de perfection et d’idéalisation. Chacun y tient compte de sa réalité, avec ses propres possibilités et besoins», souligne la sexologue Martine Denis. « S’accepter invite les autres à une reconnaissance juste, de soi et de l’autre, par effet miroir ».
L’amie de Marc peut en témoigner, elle qui, valide mais complexée par ses rondeurs, tentera néanmoins de vivre l’expérience naturiste cet été. «Ce sera sa première fois», confie Marc, 32 ans, atteint de myopathie. « Je pense qu’elle s'est dit que si moi je le faisais, alors elle le pouvait ans problème ».
Carole Bourgeois
N°611 • FAIRE FACE • JUILLET/AOUT 2003[/quote]