Bonjour les naturistes,
Je suis un musicien et artiste qui habite la ville de Québec. Membre du forum depuis 2016, je me rends compte que je ne me suis jamais présenté!
Je pense? En tout cas, voilà qui sera fait.
Pour moi personnellement, en plus d'être un élément de ma pratique artistique le naturisme est une joyeuse rébellion pour la diversité corporelle. Contre les critères de beauté, de popularité et le conservatisme social. Pour la petite histoire : j'ai caché mon corps complètement de l'âge de 15 ans jusqu'à mes 30 ans ou presque, réussissant même à me faire exempter du cours de piscine au secondaire. J'étais tombé dans le panneau de la honte! Une des choses que j'ai fini par réaliser, c'est qu'il y a toute une industrie dont la matière première est notre haine envers notre propre corps : il faut bien que quelqu'un achète toutes ces crèmes, pilules, abonnements au gym (pas pour tout le monde bien sûr), etc. Cette industrie a tout intérêt à injecter son modèle loin dans nos esprits et ça fonctionne. Quand on y pense, ce n'est pas pour rien qu'après ça montrer un corps réaliste soit quasiment rendu un geste politique. Je dis souvent que le vestiaire sportif est le dernier bastion de la diversité corporelle en Amérique du Nord, parce qu'en dehors des rares espaces naturistes, c'est le seul endroit où il est encore possible de voir des « vrais » corps humains; pas ceux photoshoppés sur internet ou triés sur le volet pour les films. J'ai donc fini par penser l'acceptation de mon corps comme quelque chose de beau et radical et si vous lisez entre les lignes une vision anticapitaliste du naturisme, peut-être voyez-vous juste
. Si vous pensez plutôt à l'anarcho-naturisme, peut-être vous rapprochez-vous encore plus de ma façon de voir les choses. J'ai piqué votre curiosité? Googlez donc « E. Armand Le naturisme révolutionnaire », un très beau texte écrit en 1934 (!).
J'ai le privilège de considérer les espaces naturistes comme des safespaces : ils sont très agréablement peuplés de toutes les sortes de dissymétries, replis, courbes, angles inattendus de corps. Exposer ce corps qui ne tente de se conformer à aucun critère est aussi un peu une revanche auprès des gens qui ont ri de nous, guidés par ce modèle malsain du corps standardisé. Je remarque qu'à la plage textile, tout le monde se check. Auprès des naturistes c'est différent, on voit sans trop regarder et on est vu sans se sentir observé ou jugé. Ce regard bienveillant et désintéressé (de la meilleure façon possible) des autres sur soi inspire ensuite un peu plus d'indulgence dans le regard que nous renvoie le miroir.
Je mentionne mon privilège au passage car je ne suis pas certain que j'aurais la même expérience des lieux naturistes si ma peau n'était pas blanche, ceux-ci étant ultra-majoritairement blancs. Je sais qu'on y travaille! Je mentionne mon privilège aussi parce que je sais que mes ami.e.s trans n'ont pas la même expérience de safespace que moi dans les milieux naturistes. Vivement plus d'inclusivité dans nos espaces et dans l'ensemble de la société!
En tant qu'artiste, ma pratique est basée sur le corps : ses limites, réflexes, respirations, etc. Au fil des ans, la nudité est devenue un des outils qui peut parfois nourrir mon inspiration. En 2017, j'ai participé à la résidence de création Naked State à Bare Oaks en Ontario, où mon projet d'utiliser la nudité comme façon d'apprendre à mon corps à mieux canaliser et transmettre les stimulations de l'extérieur a bien fonctionné. Je pose aussi pour des ateliers de dessin ou pour différents photographes depuis plusieurs années, il s'agit pour moi d'un travail de « présence », un peu comme faire des gammes est un travail de technique.
J'ai très peu pratiqué le naturisme au Québec, où quand on ne conduit pas le défi d'organisation et de quêtage de lifts décourage la spontanéité. J'ai été quelques fois à la piscine et au spa organisés par le Groupe naturiste de Québec (merci pour votre travail si vous lisez ceci!), j'ai profité d'une plage déserte quelques fois près de Rimouski, j'ai eu un lift une fois à la Vieille Ferme, deux-trois fois à Oka quand j'habitais à Montréal, j'ai été à un spot louche à Verdun, chez des amis informellement et j'ai utilisé les saunas gays comme espaces naturistes avec des amis plus d'une fois, sans arrières pensées sexuelles (ça marche bien en passant, il faut par contre avoir un non-verbal très clair et continuer à insister pour que la notion de consentement finisse par s'installer dans ce milieu; dommage parce que 10-15$ pour chiller entre amis dans un bain tourbillon, c'est une pas pire aubaine). Sinon, j'ai habité à Berlin pendant un petit moment et j'ai pu y nager à poil dans plus d'une douzaine de lacs en plus de pouvoir aller lire et chiller nu dans différents parcs urbains. Il y a beaucoup de spots là bas, officiels comme improvisés, ça manque ici!
Vous avez lu tout ça? Merci. J'écris cette présentation au cours de l'été de la pandémie 2020, quelques jours après que les mesures sur le port du masque aient été mises en application, et j'espère que tout le monde se porte bien, avec bienveillance. Au plaisir de continuer à vous lire et éventuellement partager mes prochains projets avec toute la communauté.